La Ville de Saint-Paul accueille “Les enfants de la Creuse”
Saint-Paul a accueilli ce vendredi 21 avril, les “Enfants de la Creuse”. Si l’émotion était palpable, ils étaient nombreux à savourer ce moment, sur la terre qui les a vus naître.
C’est au son du maloya que les 47 “Enfants de la Creuse” ont été accueillis à Saint-Paul, à la Grande Fontaine plus exactement, pour découvrir leur île natale, leur racine. Ils font partie des 2 000 enfants réunionnais “enlevés” à leurs parents et envoyés de force dans l’Hexagone entre 1962 et 1984. Sur un site chargé d’histoire, ils ont pu partager un repas créole dann’ feuille figue, réaliser une visite guidée du vieux Saint-Paul autour du Bassin Vital et du Moulin à Eau. À la découverte des vestiges de l’industrie sucrière, des chemins pavés, de l’Étang Saint-Paul et des sources anciennes à proximité. Une animatrice Ville d’Art et d’Histoire et un animateur culturel de la Ville étaient présents lors de cet événement. “Vous avez fait un long trajet et vous êtes ici dans un lieu de mémoire. Vous pensiez partir, et votre famille également, pour un avenir meilleur, malheureusement cela n’a pas été le cas. Vous avez été les victimes d’enlèvement, de rapt et d’autres choses inqualifiables. Vous avez été coupés de votre histoire brutalement, aujourd’hui vous construisez la vôtre. C’est avec beaucoup d’émotions et de fierté que nous vous accueillons ici à Saint-Paul”, commence Suzelle BOUCHER, première adjointe au Maire de Saint-Paul. Accompagnée des élu(e)s Edwige LEBRETON et Dominique VIRAMA-COUTAYE, elle a accueilli les 47 “Enfants de la Creuse” de retour pour un séjour dans leur île natale.
“Ce voyage me réconcilie avec mon histoire”
“C’est la première fois que je reviens dans mon île depuis 1974”, confie Olivia MILLAN. Elle et son frère ont été adoptés à l’âge de 4 et 6 ans. Un “adoption plénière” dit-elle, mais finalement le doute persiste. Surtout lorsqu’il est écrit dans son dossier “qu’elle a été arrachée aux bras de son grand frère de 17 ans”. “Je n’ai jamais osé revenir à La réunion, par respect pour mes parents adoptifs. Mais aujourd’hui, je suis ici, c’est une thérapie pour moi. Ce voyage me réconcilie avec mon histoire”, explique la Réunionnaise qui est aujourd’hui à la recherche de ses racines, de son père qui doit être âgé de 80 ans. “Le seul souvenir dont je me rappelle de La Réunion est celui du bruit de l’avion”, se souvient la jeune femme les yeux remplis d’émotion. Cette histoire fait malheureusement écho à d’autres parcours de vie. Si elle a eu la chance de vivre dans une famille aimante dans l’hexagone, ce ne fut pas le cas de Jean-Luc ICHIZA-IMAHO et de Jean-René FONTAINE. “J’ai été enlevé à ma famille à 12 ans, je marchais sur un trottoir. On m’a placé dans une famille d’accueil dans la Creuse. On a dit à mes parents que j’allais aller à l’école et faire des études. Finalement, j’ai été un esclave chez des agriculteurs. J’ai été placé ensuite dans un foyer et j’ai fait l’armée. Je n’ai pas eu la chance de revoir mon père qui réclamait ses enfants avant de mourir”, raconte Jean-René FONTAINE. Des histoires douloureuses, des destins brisés. “Nous étions heureux, même si ma mère était aveugle, je l’aidais. L’assistante sociale qui était venue à l’époque avait dit à ma mère qu’elle ne pouvait pas faire autrement.” De son domicile à Cap Homard, Jean-luc ICHIZA-IMAHO est envoyé dans un foyer au 17ème km au Tampon et se voit “transférer en métropole” chez une famille d’agriculteurs. Déracinés, souvent maltraités, ces “Enfants de La Creuse” grandiront sans repère. Depuis plusieurs années, ils sont à la recherche de leur vérité, de leur racine…